Opinion – « Une flexibilité accrue sur le lieu de travail n’enlève pas le besoin de soutien »

« À l’instar d’autres aspects de l’organisation flexible du travail, la semaine de quatre jours n’est pas une bonne ou mauvaise idée en soi. La vraie question est de savoir si elle contribue à donner du sens au travail de chacun. Le collaborateur trouve-t-il du sens dans les modalités de son travail ? Est-il suffisamment encadré et armé pour faire face à un contexte en perpétuelle mutation ? Ou pour le dire autrement : les entreprises sont-elles vraiment prêtes à relever le défi ? » questionne Koen Van Hulst, responsable aspects psychosociaux de Mensura.


Tout bien considéré, la perspective d’effectuer les mêmes tâches en quatre jours au lieu de cinq ne semble pas souhaitable. Qui dit journées de travail plus longues, dit plus de risques pour la santé, ce qui ne justifie pas le temps de récupération libéré. Mais est-ce vrai dans toutes les situations ? Non, le contexte joue. Souvent, les PME se prêtent plus facilement à ces modalités de travail alternatives. Et dans ce cas, il n’y a rien à redire. Quant aux grandes entreprises, elles s’avèrent plus lourdes à manœuvrer et éprouvent aussi plus de contraintes, en raison de certaines interdépendances par exemple. Une réalité qui peut compliquer l’adoption de la semaine de quatre jours.

La semaine de quatre jours et l’obligation de déconnexion s’inscrivent dans une dynamique de flexibilisation du travail. Or, il s’agit comme toujours d’une initiative à double tranchant. Ces deux points, prévus par l’accord pour l’emploi, doivent « fluidifier » le travail. Certes, cela peut s’avérer avantageux pour le travailleur comme pour l’employeur. Mais à condition de définir de nouvelles limites. Pour de nombreuses tâches, le « neuf à cinq » n’a rien d’indispensable. En revanche, les employeurs doivent se demander comment ils souhaitent organiser leur entreprise. Quand veulent-ils être disponibles pour leurs clients ? Que désirent leurs collaborateurs ? Ceux-ci sont-ils invités à s’exprimer sur leurs modalités préférées ?

Les entreprises qui n’ont toujours pas développé de vision quant à l’organisation et la flexibilisation du travail n’ont plus de temps à perdre. L’erreur serait de couler tout le monde dans le même moule. Car ce qui fonctionne pour Marc, ne marche pas forcément pour Nadine. Certains profils ont besoin de plus de soutien, ou préfèrent un emploi du temps bien défini pour structurer leur travail. D’autres, au contraire, se sentent stimulés par un horaire souple et par l’idée d’une autonomie dans l’organisation de leurs tâches.

Les télétravailleurs, surtout, sont confrontés à d’importants changements, mais aussi à de nouvelles possibilités et libertés. Or, ce n’est pas une bonne nouvelle pour tout le monde. Les gens ont également besoin d’un cadre et d’une certaine protection. Il serait réducteur d’affirmer que chacun n’a qu’à décider pour lui-même ce qui lui convient le mieux. Tout le monde n’en est pas capable.


En revanche, chacun a intérêt à renforcer sa résilience. C’est à cela qu’il faut sensibiliser les gens. La résilience offre un appui dans un monde en évolution permanente. Chaque travailleur a besoin de cet appui. Et chacun doit chercher à répondre personnellement à des questions comme : qu’est-ce qui est important pour moi ? Qu’est-ce qui me donne de l’énergie ? Qu’est-ce qui me coûte de l’énergie ? À défaut d’accompagner leurs effectifs en proposant un cadre ou des outils, les employeurs risquent de contribuer à l’absentéisme ou à l’exode de certains profils.

Aussi convient-il de se poser la question suivante pour chaque aspect de l’organisation flexible du travail : cet aspect contribue-t-il à donner du sens au travail de la personne concernée ? Peu importe, au fond, de savoir si la semaine doit faire quatre ou cinq jours. En 2022, aucune entreprise ne peut faire l’impasse sur une vision claire, un grand récit auquel raccrocher l’organisation du travail. Ensuite, il s’agit de traduire cette vision dans des mesures concrètes pour le télétravail, la déconnexion, les formations, la rémunération… Les temps s’annoncent chargés pour les services RH.