Comment signaler un cas de harcèlement sexuel au travail ?

De l’industrie du cinéma et du monde des médias aux milieux universitaires, de plus en plus de cas de harcèlement sexuel apparaissent au grand jour. Des rapports de pouvoir inégaux s’avèrent souvent être en jeu et ceux-ci existent aussi évidemment sur le lieu de travail. Heidi Henkens, conseillère en prévention aspects psychosociaux, aborde les risques et vous guide dans la procédure formelle et informelle du service de prévention externe.

Le harcèlement sexuel est défini dans la législation comme « toute forme de comportement physique ou verbal à connotation sexuelle qui porte atteinte à la dignité de l’autre personne ou qui crée un environnement offensant à son égard : regards insistants ou lubriques, remarques ou insinuations ambiguës, présentation de matériel pornographique (photos, textes, vidéos), propositions compromettantes, attouchements, viols... »

En tant que conseillère en prévention aspects psychosociaux chez Mensura, Heidi Henkens accompagne les entreprises dans le déploiement de leur politique de prévention des risques psychosociaux.

Elle offre également un soutien en cas de signalement d’un comportement indésirable. « Mais cette situation reste trop peu connue sur le lieu de travail », souligne-t-elle. « Par exemple, de nombreux collaborateurs ne savent pas qu’ils peuvent s’adresser à nous et quelles sont les procédures disponibles. »

La procédure informelle : soutien et médiation

Supposons que je me sente victime de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, à qui puis-je en parler ?

Heidi Henkens : « Il est préférable de vous adresser d’abord à votre responsable, à moins que ce ne soit impossible. Par exemple, parce que c’est justement cette personne qui vous harcèle ou parce que vous n’avez pas établi de relation de confiance avec cette personne. Dans ce cas, vous pouvez discuter de la situation en toute discrétion avec une personne de confiance interne. Les grandes entreprises disposent également d’un conseiller en prévention interne aspects psychosociaux.

Si vous travaillez dans une petite entreprise ou si vous ne vous sentez pas à l’aise d’en parler avec un collègue en interne, vous pouvez toujours vous adresser à votre service de prévention externe. Le règlement de travail mentionne obligatoirement les données de contact de la personne de confiance, du conseiller en prévention et du service de prévention externe. »
 


Que faire en cas de signalement d’une telle situation ?

Heidi Henkens : « Avant tout, nous donnons à la personne l’occasion de raconter son histoire et lui fournissons l’accueil et les soins nécessaires. Les démarches que nous entreprenons par la suite se déroulent toujours en concertation et avec le consentement de la personne concernée.

En fonction du type de signalement, j’évalue si la personne concernée se sent d’attaque pour aller voir l’autre partie et lui dire que son comportement est indésirable, blessant, insultant ou humiliant. Ou si elle ose s’entretenir avec son responsable. Toutes ces démarches s’inscrivent dans le cadre de la procédure dite informelle.

Dans le cadre de la procédure informelle, on met toujours l’accent sur le signalement et l’arrêt du comportement indésirable. Dans ce contexte, la question centrale n’est pas toujours de savoir si le comportement a réellement eu lieu ou non. Il arrive qu’une personne adopte un comportement sans se rendre compte qu’il est indésirable ou que l’autre partie a des limites différentes. Il est important de réaliser que chacun est responsable du respect des limites des autres.

Les expressions de la sexualité, de la physicalité, la drague et tout ce qui touche à la vie relationnelle des personnes ne sont pas neutres au travail. Il est important d’en tenir compte. Il y aura toujours des gens qui seront mal à l’aise avec ça. C’est pourquoi il est toujours recommandé d’être vigilant. Lorsqu’une personne fixe des limites à cet égard et indique qu’un comportement spécifique est vécu comme abusif, ces limites doivent être respectées. Même si un consentement a été donné précédemment, ou si un tel comportement a été accepté.

Outre la procédure informelle, je peux également, en tant que conseillère en prévention, assurer une médiation en présence des deux parties. J’ai cependant besoin de l’autorisation expresse des personnes concernées, car une telle action ne peut évidemment pas être entreprise de manière anonyme. »

En raison du secret professionnel, je ne peux agir qu’avec l’autorisation de la personne concernée. »

La procédure formelle : plainte officielle et enquête

Le service de prévention externe a-t-il uniquement un rôle de médiateur ou puis-je également déposer une plainte officiellement ?

Heidi Henkens : « Vous pouvez le faire, mais nous entrons alors dans la procédure formelle. Dans notre législation, nous parlons également de « requête » plutôt que de « plainte » parce que, à ce stade, nous ne pouvons pas encore dire si les faits sont avérés ou non. C’est l’enquête qui doit l’établir. Lorsqu’une procédure formelle débute, le requérant bénéficie d’une protection et, en tant que service de prévention externe, nous devons suivre une procédure spécifique.

J’informe ensuite l’employeur qu’une enquête est en cours afin d’analyser la situation et de rassembler des preuves éventuelles : SMS, messages WhatsApp, e-mails, photos, témoignages, autres victimes éventuelles, etc. L’autre partie a également la possibilité de donner sa version des faits.

Au terme de l’enquête, je formule mes recommandations à l’employeur : il peut s’agir de l’établissement de règles de conduite claires, d’un coaching ou d’une formation pour les personnes concernées, mais aussi parfois d’une sanction ou d’une suspension du contrat de travail, si l’enquête révèle qu’il y a clairement eu un comportement abusif... Il est essentiel est que le comportement indésirable cesse, mais également que l’équipe puisse aller de l’avant et que des situations similaires puissent être évitées à l’avenir. »
 


Que faire si d’éventuelles infractions pénales sont commises ?

Heidi Henkens : « Encore une fois, en raison du secret professionnel, un conseiller en prévention ne peut agir qu’avec l’autorisation de la victime. Dans le cas d’éventuelles infractions pénales, je recommande bien entendu de toujours faire une déclaration à la police. En effet, nous sommes avant tout un organe consultatif.

Mais il faut admettre que les affaires pénales échouent souvent en raison d’un manque de preuves. N’oubliez pas non plus que le harcèlement sexuel commence parfois en partie par une situation qui est initialement acceptable pour les deux parties. Jusqu’à ce qu’une limite soit franchie chez l’une des parties. C’est pourquoi, même dans le cas d’infractions pénales, nous menons souvent nous-mêmes une enquête afin de nous assurer qu’une situation de sécurité peut être créée dans le contexte professionnel. »

L’assertivité croissante des victimes est une évolution positive. Mais cela ne doit pas signifier que toute la responsabilité repose sur leurs épaules. »

Les responsabilités du responsable

Existe-t-il à proprement parler des situations à risque de harcèlement sexuel au travail ?

Heidi Henkens : « L’alcool brouille les limites. Les fêtes du personnel et toutes les autres occasions de boire constituent donc un risque. Soyez également attentif(ve) aux nouveaux venus dans l’entreprise. Ils travaillaient jusqu’il y a peu dans une culture d’entreprise différente et ne sont pas encore familiarisés avec les manières de se comporter chez leur nouvel employeur. Ou ils cherchent encore leurs repères et manquent d’assurance, et sont de ce fait plus vulnérables.

Mais les rapports de pouvoir sont le point d’attention majeur. Dès qu’il existe une relation hiérarchique entre deux personnes, le subordonné aura plus de difficulté à fixer ses limites. En particulier dans les secteurs où les collègues interagissent librement, les rapports de pouvoir peuvent entraîner une confusion supplémentaire. »

Ces rapports de pouvoir étaient toujours présents dans les affaires qui ont été médiatisées.

Heidi Henkens : « C’est vrai. L’assertivité sans cesse croissante des victimes qui sont plus enclines à tirer la sonnette d’alarme est quoi qu’il en soit une évolution positive. Mais cela ne doit pas signifier que toute la responsabilité repose sur leurs épaules. Chaque nouveau responsable doit prendre conscience que son rôle implique une grande responsabilité. Tout rapport de pouvoir a ses limites qu’il faut surveiller.

Par chance, les employeurs prennent aujourd’hui très au sérieux les comportements indésirables. Nous le constatons à l’augmentation des questions sur la politique et les règles de conduite. Le mouvement #MeToo engendre à l’évidence une prise de conscience sur les lieux de travail également. »
 

Changement de culture sur le lieu de travail

Les procédures sont peut-être peu connues, mais les travailleurs n’ont-ils pas surtout peur des conséquences sur leur carrière ?

Heidi Henkens : « En outre, les victimes craignent parfois qu’un signalement ou une plainte puisse avoir des répercussions sur leur carrière, ou de ne pas être crues, en particulier quand un responsable est impliqué. C’est précisément pour cette raison que les victimes peuvent s’adresser à la personne de confiance interne ou à leur service de prévention externe sans que leur employeur n’en soit informé.

Le mouvement #MeToo a à l’évidence engendré une prise de conscience sur les lieux de travail également. »


Le harcèlement sexuel est parfois une conséquence de la culture régnant sur le lieu de travail. Comment éviter cela ?

Heidi Henkens : « Il est important que vous définissiez, en tant qu’employeur, le type de comportement que vous tolérez ou non sur le lieu de travail. Vous permettez ainsi à la parole de davantage circuler à propos des comportements indésirables. Afin de soutenir les équipes dans cette démarche, Mensura organise des ateliers.

En nous basant sur une série de situations et de questions concrètes, nous ouvrons la discussion : un code vestimentaire est-il utile, par exemple en ce qui concerne les épaules dénudées ? Des photos de playmates dans le vestiaire ne dérangent-elles personne ? Est-il permis de complimenter les collègues sur leur physique ?

Au cours de ces ateliers, nous élaborons ensemble des règles de conduite, afin qu’elles soient immédiatement appliquées par l’ensemble de l’équipe. Et nous exploitons les réactions variées à des fins de sensibilisation : les limites s’avèrent très individuelles, le respect est donc le maître mot. »

Vous maintenez ainsi l’attention sur vos règles de conduite

Une fois que vous avez établi un ensemble de règles de conduite, il est important de les mettre en application sur le lieu de travail. Publiez-les sur l’intranet et rappelez-les occasionnellement dans le bulletin d’information interne. Continuez à rappeler que toute personne peut s’adresser à la personne de confiance, au conseiller en prévention ou au service de prévention externe si elle est victime ou témoin d’un comportement indésirable.

Votre organisation dit-elle "NON" aux comportements indésirables ?

Les comportements inappropriés n'ont leur place nulle part, y compris sur le lieu de travail. Signalez clairement qu'il n'y a pas de place pour de tels comportements. Faites savoir aux employés à qui elles peuvent s'adresser pour se plaindre ou raconter leur histoire. Cela peut se faire par le biais d'un code de conduite ou du règlement de travail. Utilisez notre affiche comme rappel visuel.

 

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